attention à la nature de cet ouvrage. Les Persans qui devaient y jouer un si grand rôle se trouvoient tout à coup transplantés en Europe, c’est-à-dire dans un autre univers. Il y avoit un temps où il falloit nécessairement les représenter pleins d’ignorance et de préjugés : on n’étoit attentif qu’à faire voir la génération et le progrès de leurs idées. Leurs premières pensées devoient être singulières : il sembloit qu’on n’avoit rien à faire qu’à leur donner l’espèce de singularité qui peut compatir avec de l’esprit ; on n’avoit à peindre que le sentiment qu’ils avoient eu à chaque chose qui leur avoit paru extraordinaire. Bien loin qu’on pensât à intéresser quelque principe de notre religion, on ne se soupçonnoit pas même d’imprudence. Ces traits se trouvent toujours liés avec le sentiment de surprise et d’étonnement, et point avec l’idée d’examen, et encore moins avec celle de critique. En parlant de notre religion, ces Persans ne doivent pas paroître plus instruits que lorsqu’ils parloient de nos coutumes et de nos usages ; et, s’ils trouvent quelquefois nos dogmes singuliers, cette singularité est toujours marquée au coin de la parfaite ignorance des liaisons qu’il y a entre ces dogmes et nos autres vérités.
On fait cette justification par amour pour ces grandes vérités, indépendamment du respect pour le genre humain, que l’on n’a certainement pas voulu frapper par l’endroit le plus tendre. On prie donc le lecteur de ne pas cesser un moment de regarder les traits dont je parle comme des