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ses nuages. Nous ne le connoissons bien que dans ses préceptes. Il est immense, spirituel, infini. Que sa grandeur nous ramène à notre faiblesse. S’humilier toujours, c’est l’adorer toujours.

À Paris, le dernier de la lune de Chahban, 1714.

LETTRE lxx.

Zélis à Usbek.
À Paris.


Soliman, que tu aimes, est désespéré d’un affront qu’il vient de recevoir. Un jeune étourdi, nommé Suphis, recherchoit depuis trois mois sa fille en mariage : il paroissoit content de la figure de la fille, sur le rapport et la peinture que lui en avoient faits les femmes qui l’avoient vue dans son enfance ; on étoit convenu de la dot, et tout s’étoit passé sans aucun incident. Hier, après les premières cérémonies, la fille sortit à cheval, accompagnée de son eunuque, et couverte, selon la coutume, depuis la tête jusques aux pieds. Mais, dès qu’elle fut arrivée devant la maison de son mari prétendu, il lui fit fermer la porte, et il jura qu’il ne la recevroit jamais si on n’augmentoit la dot : Les parents accoururent, de côté et d’autre, pour accommoder l’affaire ; et, après bien de la résistance, ils firent convenir Soliman de faire un petit présent à son gendre. Enfin, les cérémonies du mariage s’accomplies, on conduisit la