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était autour de lui. Il accordait sa lyre ; elle attire les rochers, les arbres la suivent, les lions restent immobiles. Mais nous entrâmes plus avant dans les forêts, appelés en vain par cette divine harmonie.

Où croyez-vous que je trouvai l’Amour ? Je le trouvai sur les lèvres de Thémire ; je le trouvai ensuite sur son sein ; il s’était sauvé à ses pieds : je l’y trouvai encore ; il se cacha sous ses genoux : je le suivis, et je l’aurais toujours suivi, si Thémire toute en pleurs, Thémire irritée ne m’eût arrêté. Il était à sa dernière retraite : elle est si charmante, qu’il ne saurait la quitter. C’est ainsi qu’une tendre fauvette, que la crainte et l’amour retiennent sur ses petits, reste immobile sous la main avide qui s’approche, et ne peut consentir à les abandonner.

Malheureux que je suis ! Thémire écouta mes plaintes, elle n’en fut point attendrie : elle entendit mes prières, elle devint plus sévère. Enfin je fus téméraire : elle s’indigna ; je tremblai : elle me parut fâchée ; je pleurai : elle me rebuta ; je tombai, et je sentis que mes soupirs allaient être mes derniers soupirs, si Thémire n’avait mis la main sur mon cœur, et n’y eût rappelé la vie.

Non, dit-elle, je ne suis pas si cruelle que toi ;