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bliez jusqu’à sa perfidie. Je vous rends immortelle pour vous aimer toujours.

Je vis Bacchus descendre de son char ; je vis descendre Ariane : elle entra dans le temple. Aimable dieu, s’écria-t-elle, restons dans ces lieux, et soupirons-y nos amours. Faisons jouir ce doux climat d’une joie éternelle. C’est auprès de ces lieux que la reine des cœurs a posé son empire : que le dieu de la joie règne auprès d’elle, et augmente le bonheur de ces peuples déjà si fortunés.

Pour moi, grand dieu, je sens déjà que je t’aime davantage. Quoi ! tu pourrais quelque jour me paraître encore plus aimable ! Il n’y a que les immortels qui puissent aimer à l’excès, et aimer toujours davantage ; il n’y a qu’eux qui obtiennent plus qu’ils n’espèrent, et qui sont plus bornés quand ils désirent que quand ils jouissent.

Tu seras ici mes éternelles amours. Dans le ciel, on n’est occupé que de sa gloire ; ce n’est que sur la terre et dans les lieux champêtres que l’on sait aimer. Et pendant que cette troupe se livrera à une joie insensée, ma joie, mes soupirs, et mes larmes même, te rediront sans cesse mes amours.