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la demeure de la Jalousie. Et tout à coup nous entendîmes un grand bruit, et un mélange confus de voix et d’instrumens de musique. Nous sortîmes du temple, et nous vîmes arriver une troupe de Bacchantes qui frappaient la terre de leurs thyrses, criant à haute voix : Evohé ! Le vieux Silène suivait, monté sur son âne : sa tête semblait chercher la terre ; et, sitôt qu’on abandonnait son corps, il se balançait comme par mesure. La troupe avait le visage barbouillé de lie. Pan paraissait ensuite avec sa flûte, et les Satyres entouraient leur roi. La joie régnait avec le désordre ; une folie aimable mêlait ensemble les jeux, les railleries, les danses, les chansons. Enfin je vis Bacchus : il était sur son char traîné par des tigres, tel que le Gange le vit au bout de l’univers, portant partout la joie et la victoire.

À ses côtés était la belle Ariane. Princesse, vous vous plaigniez encore de l’infidélité de Thésée, lorsque le dieu prit votre couronne et la plaça dans le ciel. Il essuya vos larmes. Si vous n’aviez pas cessé de pleurer, vous auriez rendu un dieu plus malheureux que vous, qui n’étiez qu’une mortelle. Il vous dit : Aimez-moi. Thésée fuit ; ne vous souvenez plus de son amour ; ou-