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Les filles entrent chaque jour dans le sanctuaire pour faire leur prière à Vénus. Elles y expriment des sentimens naïfs comme le cœur qui les fait naître. Reine d’Amathonte, disait une d’elles, ma flamme pour Thyrsis est éteinte : je ne te demande pas de me rendre mon amour ; fais seulement qu’Ixiphile m’aime.

Une autre disait tout bas : Puissante déesse, donne-moi la force de cacher quelque temps mon amour à mon berger, pour augmenter le prix de l’aveu que je veux lui en faire.

Déesse de Cythère, disait une autre, je cherche la solitude ; les jeux de mes compagnes ne me plaisent plus. J’aime peut-être. Ah ! si j’aime quelqu’un, ce ne peut être que Daphnis.

Dans les jours de fête, les filles et les jeunes garçons viennent réciter des hymnes en l’honneur de Vénus : souvent ils chantent sa gloire, en chantant leurs amours.

Un jeune Gnidien, qui tenait par la main sa maîtresse, chantait ainsi : Amour, lorsque tu vis Psyché, tu te blessas sans doute des mêmes traits dont tu viens de blesser mon cœur : ton bonheur n’était pas différent du mien ; car tu sentais mes feux, et moi j’ai senti tes plaisirs.

J’ai vu tout ce que je décris. J’ai été à Gnide :