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Les cœurs amoureux viennent dans le temple ; ils vont embrasser les autels de la Fidélité et de la Constance.

Ceux qui sont accablés des rigueurs d’une cruelle y viennent soupirer : ils sentent diminuer leurs tourmens, ils trouvent dans leur cœur la flatteuse espérance.

La déesse, qui a promis de faire le bonheur des vrais amans, le mesure toujours à leurs peines.

La jalousie est une passion qu’on peut avoir, mais qu’on doit taire. On adore en secret les caprices de sa maîtresse, comme on adore les décrets des dieux, qui deviennent plus justes lorsqu’on ose s’en plaindre.

On met au rang des faveurs divines, le feu, les transports de l’amour, et la fureur même : car, moins on est maître de son cœur, plus il est à la déesse.

Ceux qui n’ont point donné leur cœur sont des profanes qui ne peuvent pas entrer dans le temple : ils adressent de loin leurs vœux à la déesse, et lui demandent de les délivrer de cette liberté, qui n’est qu’une impuissance de former des désirs.

La déesse inspire aux filles de la modestie : cette qualité charmante donne un nouveau prix à tous les trésors qu’elle cache.