Page:Montesquieu - Le Temple de Gnide, 1824.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce fut dans ce lieu qu’elle appela les Amours, lorsque, piquée d’un défi téméraire, elle les consulta. Elle était en doute si elle s’exposerait nue aux regards du berger troyen. Elle cacha sa ceinture sous ses cheveux ; ses nymphes la parfumèrent ; elle monta sur son char traîné par des cygnes, et arriva dans la Phrygie. Le berger balançait entre Junon et Pallas ; il la vit, et ses regards errèrent et moururent : la pomme d’or tomba aux pieds de la déesse ; il voulut parler, et son désordre décida.

Ce fut dans ce temple que la jeune Psyché vint avec sa mère, lorsque l’Amour, qui volait autour des lambris dorés, fut surpris lui-même par un de ses regards. Il sentit tous les maux qu’il fait souffrir. C’est ainsi, dit-il, que je blesse ! Je ne puis soutenir mon arc ni mes flèches. Il tomba sur le sein de Psyché. Ah ! dit-il, je commence à sentir que je suis le dieu des plaisirs.

Lorsqu’on entre dans ce temple, on sent dans le cœur un charme secret qu’il est impossible d’exprimer : l’âme est saisie de ces ravissemens que les dieux ne sentent eux-mêmes que lorsqu’ils sont dans la demeure céleste. Tout ce que la nature a de riant est joint à tout ce que l’art a pu imaginer de plus noble et de plus digne des dieux.