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Ses compagnes timides commencent à pleurer : mais il la soutient sur ses flots ; et, charmé d’un fardeau si cher, il la promène sur sa plaine liquide. Enfin, désespéré de la quitter, il la porte lentement sur le rivage, et console ses compagnes.

À côté de la prairie est un bois de myrtes dont les routes font mille détours. Les amans y viennent se conter leurs peines : l’Amour, qui les amuse, les conduit par des routes toujours plus secrètes.

Non loin de là est un bois antique et sacré où le jour n’entre qu’à peine : des chênes, qui semblent immortels, portent au ciel une tête qui se dérobe aux yeux. On y sent une frayeur religieuse : vous diriez que c’était la demeure des dieux lorsque les hommes n’étaient pas encore sortis de la terre.

Quand on a trouvé la lumière du jour, on monte une petite colline sur laquelle est le temple de Vénus : l’univers n’a rien de plus saint ni de plus sacré que ce lieu.

Ce fut dans ce temple que Vénus vit pour la première fois Adonis : le poison coula au cœur de la déesse. Quoi ! dit-elle, j’aimerais un mortel ! Hélas ! je sens que je l’adore. Qu’on ne m’adresse plus de vœux ; il n’y a plus à Gnide d’autre dieu qu’Adonis.