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fruits y renaissent sous la main qui les cueille ; les fleurs succèdent aux fruits. Quand Vénus s’y promène entourée de ses Gnidiennes, vous diriez que, dans leurs jeux folâtres, elles vont détruire ces jardins délicieux ; mais, par une vertu secrète, tout se répare en un instant.

Vénus aime à voir les danses naïves des filles de Gnide. Ses nymphes se confondent avec elles. La déesse prend part à leurs jeux ; elle se dépouille de sa majesté ; assise au milieu d’elles, elle voit régner dans leur cœur la joie et l’innocence.

On découvre de loin une grande prairie, toute parée de l’émail des fleurs. Le berger vient les cueillir avec sa bergère ; mais celle qu’elle a trouvée est toujours la plus belle, et il croit que Flore l’a faite exprès.

Le fleuve Céphée arrose cette prairie et y fait mille détours. Il arrête les bergères fugitives : il faut qu’elles donnent le tendre baiser qu’elles avaient promis.

Lorsque les nymphes approchent de ses bords, il s’arrête ; et ses flots qui fuyaient trouvent des flots qui ne fuient plus. Mais lorsqu’une d’elles se baigne il est plus amoureux encore, ses eaux tournent autour d’elle ; quelquefois il se soulève pour l’embrasser mieux ; il l’enlève, il fuit, il l’entraîne.