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peuples qui nous ont transmis les lumières de la philosophie, les Muses et les Grâces étaient souvent adorées sur le même autel.

Toutes les idées aimables doivent découler facilement des organisations puissantes. La grâce de l’esprit tire son origine de la force et de l’immensité morale, comme la grâce personnifiée tire la sienne des flots de la mer.

Il n’y a d’ailleurs pas autant de distance qu’on se l’imagine entre la vaste pensée du législateur des nations et les tendres affections d’une âme aimante. Depuis Orphée jusqu’à Pythagore, tous les philosophes étaient des poëtes. C’étaient les divinités des bois et des ruisseaux qui enseignaient les sages. Avant de donner des lois aux Romains, Numa ne se plaisait que dans la conversation des Nymphes, et une âme qui ne comprendrait pas l’amour, serait peut-être indigne d’embrasser les intérêts du monde.

Mais il ne faut pas une médiocre étendue de facultés pour associer ce qu’il y a de plus solennel dans les méditations du génie, et ce qu’il y a de plus gracieux dans les sentimens du cœur.