Il est vray qu’il ne s’en mettoit point en peine ; il connaissoit l’injustice générale des hommes, qui ne manquent pas d’attribuer à leur grande prudence tout le bien qui leur arrive, et tout le mal, à la jalousie des êtres qui sont au dessus d’eux.
Je servis un Génie qui fut envoyé pour animer la statue de Pygmalion. J’entendis que quelqu’un disoit à ce sculpteur : « Il falloit que vous fussiés fou d’aimer une de vos statues. — Mon ami, répondit-il, tu es un poëte, et ce n’est point à toi à me reprocher d’être amoureux de mes ouvrages ; tu es enchanté des tiens, mais Apollon ne leur a pas donné la force et la vie. »
Je me souviens du jour que les Dieux signalèrent ainsi leur puissance. Pygmalion voyoit sa statue vivante et il craignoit de se tromper. — « Ah ! dit-il, vous vivés, et je seray le plus heureux des mortels. » Elle le regarda languissamment. Pygmalion parut ravi de joye. « Je vous aimois, et, bien loin que vous fussiés sensible à mon amour, vous ne pouviés pas seulement le connoître ; mais, à présent, vous sçaurés que j’ay fait des vœux téméraires pour vous, et qu’il n’y a que la grandeur de mon amour qui ait pu toucher les Dieux. »
Mon Génie recommença à me faire circuler dans les corps humains. Je passe un grand nombre de transmigrations, pour vous parler de celle-cy, dont l’idée me flatte encore.
J’étois Grec, et, à l’exemple de plusieurs philosophes, je parcourus divers pays. Je m’arrêtay quelque tems en Égypte, et j’y acquis de la réputation. Le