Page:Montesquieu - Histoire véritable, éd. Bordes de Fortage, 1902.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
IX
INTRODUCTION

sa chère Académie de Bordeaux. Nous avons un curieux témoignage de la déférence de ce grand esprit, comme de la sincérité des amis qu’il consultait, dans la critique sévère, mais parfois bien judicieusement clairvoyante, que J.-J. Bel fit de l’Histoire véritable, dont le manuscrit lui avait été communiqué par l’auteur.

Montesquieu se soumit au jugement de son ami. Il paraît avoir, à plusieurs reprises et même assez tard, essayé de remanier cette œuvre de sa jeunesse en vue d’une publication ; puis il s’en détacha entièrement, et, absorbé par des travaux d’une tout autre portée, il abandonna définitivement l’Histoire véritable. Il a surtout corrigé et retouché le livre troisième où, sans parler des changements de détail, fort nombreux, les pages 9 à 15 (épisode de l’Eunuque) ont disparu de notre manuscrit, et y sont remplacées par dix nouvelles pages non chiffrées, tout entières écrites de sa main, lesquelles n’offrent guère de ressemblance avec la partie correspondante du texte imprimé en 1892. Cet épisode, le plus long de tous ceux qui figurent dans l’Histoire véritable en l’état où elle nous est parvenue, a été travaillé d’une façon toute particulière par Montesquieu. J.-J. Bel en avait signalé l’importance, et l’analogie frappante qu’il présente avec certains passages des Lettres persanes ne lui avait point échappé. On le trouvera tout au long et sous la dernière forme que Montesquieu lui donna de sa propre main, dans l’édition de l’Histoire véritable que nous publions aujourd’hui.

Il nous paraît superflu de mentionner toutes les variantes ou même toutes les différences capitales que présente le texte de l’édition actuelle avec celui de 1892, auquel le lecteur peut recourir aisément. Il nous suffira de dire que chacun de nos cinq livres offre, avec les cinq parties correspondantes déjà publiées, de très nombreuses et très importantes dissemblances, et que notre troisième livre, en particulier, donne, outre beaucoup de corrections, plusieurs pages nouvelles écrites de la main même de Montesquieu,