Je n’ai pas le temps de traiter à fond cette matière ; mais je citerai les prodigieuses armées des croisés, composées de gens de toute espece. M. Pufendorff dit que, sous Charles IX, il y avoit vingt millions d’hommes en France[1].
Ce sont les perpétuelles réunions de plusieurs petits états, qui ont produit cette diminution. Autrefois chaque village de France étoit une capitale ; il n’y en a aujourd’hui qu’une grande : chaque partie de l’état étoit un centre de puissance ; aujourd’hui tout se rapporte à un centre ; & ce centre est, pour ainsi dire, l’état même.
CHAPITRE XXV.
Continuation du même sujet.
IL est vrai que l’Europe a, depuis deux siecles, beaucoup augmenté sa navigation : cela lui a procuré des habitans, & lui en a fait perdre. La Hollande envoie, tous les ans, aux Indes, un grand nombre de matelots, dont il ne revient que les deux tiers ; le reste périt ou s’établit aux Indes : même chose doit, à peu près, arriver à toutes les autres nations qui font commerce.
Il ne faut point juger de l’Europe comme d’un état particulier qui y feroit seul une grande navigation. Cet état augmenteroit de peuple, parce que toutes les nations voisines viendroient prendre part à cette navigation ; il y arriveroit des matelots de tous côtés. L’Europe, séparée du reste du monde par la religion[2], par de vastes mers, & par des déserts, ne se répare pas ainsi.