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A l’aide d’une telle fiction[1], il n’y a plus d’enfans bâtards : &, dans les pays où cette fiction n’a pas lieu, on voit bien que la loi, qui légitime les enfans des concubines, est une loi forcée ; car ce seroit le gros de la nation qui seroit flétri par la loi. Il n’est pas question non plus, dans ces pays, d’enfans adultérins. Les séparations des femmes, la clôture, les eunuques, les verroux, rendent la chose si difficile, que la loi la juge impossible : d’ailleurs, le même glaive extermineroit la mère & l’enfant.


CHAPITRE VI.

Des batards, dans les divers gouvernemens.


ON ne connoît donc gueres les batards dans les pays où la polygamie est permise. On les connoît dans ceux où la loi d’une seule femme est établie. Il a fallu, dans ces pays, flétrir le concubinage ; il a donc fallu flétrir les enfans qui en étoient nés.

Dans les républiques où il est nécessaire que les mœurs soient pures, les batards doivent être encore plus odieux que dans les monarchies.

On fit peut-être, à Rome, des dispositions trop dures contre eux : mais les institutions anciennes mettant tous les citoyens dans la nécessité de se marier ; les mariages étant, d’ailleurs, adoucis par la permission de répudier, ou de faire divorce ; il n’y avoit qu’une très-grande corruption de mœurs qui pût porter au concubinage.

Il faut remarquer que la qualité de citoyen étant con-

  1. On distingue les femmes en grandes & petites, c’est-à-dire, en légitimes ou non ; mais il n’y a point une pareille distinction entre les enfans. C’est la grande doctrine de l’empire, est-il dit dans un ouvrage Chinois sur la morale, traduit par le même pere, page 140.