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Les noms, qui donnent aux hommes l’idée d’une chose qui semble ne devoir pas périr, sont très-propres à inspirer à chaque famille le desir d’étendre sa durée. Il y a des peuples chez lesquels les noms distinguent les familles : il y en a où ils ne distinguent que les personnes ; ce qui n’est pas si bien.


CHAPITRE V.

Des divers ordres de femmes légitimes.


QUELQUEFOIS les loix & la religion ont établi plusieurs sortes de conjonctions civiles ; & cela est ainsi chez les Mahométans, où il y a divers ordres de femmes, dont les enfans se reconnoissent par la naissance dans la maison, ou par des contrats civils, ou même par l’esclavage de la mere, & la reconnoissance subséquente du pere.

Il seroit contre la raison que la loi flétrît, dans les enfans, ce qu’elle a approuvé dans le père : tous ces enfans y doivent donc succéder, à moins que quelque raison particuliere ne s’y oppose, comme au Japon, où il n’y a que les enfans de la femme donnée par l’empereur qui succedent. La politique y exige que les biens que l’empereur donne ne soient pas trop partagés, parce qu’ils sont soumis à un service, comme étoient autrefois nos fiefs.

Il y a des pays où une femme légitime jouit dans la maison, à peu près, des honneurs qu’a dans nos climats une femme unique : là, les enfans des concubines sont censés appartenir à la première femme : cela est ainsi établi à la Chine. Le respect filial[1], la cérémonie d’un deuil rigoureux, ne sont point dus à la mère naturelle, mais à cette mère que donne la loi.


  1. Le pere du Halde, tome II, page 124.