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gent, qui est le prix des choses, se loue & ne s’achete pas[1].

C’est bien une action très-bonne de prêter à une autre son argent sans intérêt : mais on sent que ce ne peut être qu’un conseil de religion, & non une loi civile.

Pour que le commerce puisse bien se faire, il faut que l’argent ait un prix, mais que ce prix soit peu considérable. S’il est trop haut, le négociant, qui voit qu’il lui en coûteroit plus en intérêts qu’il ne pourroit gagner dans son commerce, n’entreprend rien ; si l’argent n’a point de prix, personne n’en prête, & le négociant n’entreprend rien non plus.

Je me trompe, quand je dis que personne n’en prête. Il faut toujours que les affaires de la société aillent ; l’usure s’établit, mais avec les désordres que l’on a éprouvés dans tous les temps.

La loi de Mahomet confond l’usure avec le prêt à intérêt. L’usure augmente, dans les pays mahométans, à proportion de la sévérité de la défense : le prêteur s’indemnise du péril de la contravention.

Dans ces pays d’orient, la plupart des hommes n’ont rien d’assuré ; il n’y a presque point de rapport entre la possession actuelle d’une somme, & l’espérance de la r’avoir après l’avoir prêtée : l’usure y augmente donc à proportion du péril de l’insolvabilité.


CHAPITRE XX.

Des usures maritimes.


LA grandeur de l’usure maritime est fondée sur deux choses : le péril de la mer, qui fait qu’on ne s’expose à prêter son argent que pour en avoir beaucoup davan-

  1. On ne parle point des cas où l’or & l’argent sont considérés comme marchandises.