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le mari devait le payer comme la femme. Cette disposition ne pouvait avoir lieu pour la couronne ; car, comme elle ne relevait de personne, il ne pouvait point y avoir de droit de rachat sur elle.

La fille de Guillaume V, comte de Toulouse, ne succéda pas à la comté. Dans la suite, Aliénor succéda à l’Aquitaine, et Mathilde à la Normandie ; et le droit de la succession des filles parut dans ces temps-là si bien établi, que Louis le Jeune, après la dissolution de son mariage avec Aliénor, ne fit aucune difficulté de lui rendre la Guyenne. Comme ces deux derniers exemples suivirent de très près le premier, il faut que la loi générale qui appelait les femmes à la succession des fiefs se soit introduite plus tard dans la comté de Toulouse que dans les autres provinces du royaume.

La constitution de divers royaumes de l’Europe a suivi l’état actuel où étaient les fiefs dans les temps que ces royaumes ont été fondés. Les femmes ne succédèrent ni à la couronne de France ni à l’empire, parce que, dans l’établissement de ces deux monarchies, les femmes ne pouvaient succéder aux fiefs ; mais elles succédèrent dans les royaumes dont l’établissement suivit celui de la perpétuité des fiefs, tels que ceux qui furent fondés par les conquêtes des Normands, ceux qui furent fondés par les conquêtes faites sur les Maures ; d’autres enfin, qui, au-delà des limites de l’Allemagne, et dans des temps assez modernes, prirent, en quelque façon, une seconde naissance par l’établissement du christianisme.

Quand les fiefs étaient amovibles, on les donnait à des gens qui étaient en état de les servir, et il n’était point question des mineurs. Mais, quand ils furent perpétuels, les seigneurs prirent le fief jusqu’à la majorité, soit pour augmenter leurs profits, soit pour faire élever