Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.djvu/393

Cette page n’a pas encore été corrigée

braver les dangers ; jamais prince ne les sut mieux éviter. Il se joua de tous les périls, et particulièrement de ceux qu’éprouvent presque toujours les grands conquérants : je veux dire les conspirations. Ce prince prodigieux était extrêmement modéré ; son caractère était doux, ses manières simples ; il aimait à vivre avec les gens de sa cour. Il fut peut-être trop sensible au plaisir des femmes ; mais un prince qui gouverna toujours par lui-même, et qui passa sa vie dans les travaux, peut mériter plus d’excuses. Il mit une règle admirable dans sa dépense : il fit valoir ses domaines avec sagesse, avec attention, avec économie ; un père de famille pourrait apprendre dans ses lois à gouverner sa maison. On voit dans ses Capitulaires la source pure et sacrée d’où il tira ses richesses. Je ne dirai plus qu’un mot : il ordonnait qu’on vendît les œufs des basses-cours de ses domaines, et les herbes inutiles de ses jardins  ; et il avait distribué à ses peuples toutes les richesses des Lombards, et les immenses trésors de ces Huns qui avaient dépouillé l’univers.


Chapitre XIX.

Continuation du même sujet.


Charlemagne et ses premiers successeurs craignirent que ceux qu’ils placeraient dans des lieux éloignés ne fussent portés à la révolte ; ils crurent qu’ils trouveraient plus de docilité dans les ecclésiastiques : ainsi ils érigèrent en Allemagne un grand nombre d’évê-