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ne peuvent se lasser d’admirer la dévotion et la libéralité des Pépins. Ils avaient occupé eux-mêmes les premières places de l’Église. « Un corbeau ne crève pas les yeux à un corbeau », comme disait Chilpéric aux évêques.

Pépin soumit la Neustrie et la Bourgogne ; mais ayant pris, pour détruire les maires et les rois, le prétexte de l’oppression des églises, il ne pouvait plus les dépouiller sans contredire son titre, et faire voir qu’il se jouait de la nation. Mais la conquête de deux grands royaumes, et la destruction du parti opposé, lui fournirent assez de moyens de contenter ses capitaines.

Pépin se rendit maître de la monarchie en protégeant le clergé : Charles Martel, son fils, ne put se maintenir qu’en l’opprimant. Ce prince, voyant qu’une partie des biens royaux et des biens fiscaux avait été donnée à vie ou en propriété à la noblesse, et que le clergé, recevant des mains des riches et des pauvres, avait acquis une grande partie des allodiaux mêmes, il dépouilla les églises : et les fiefs du premier partage ne subsistant plus, il forma une seconde fois des fiefs. Il prit, pour lui et pour ses capitaines, les biens des églises et les églises mêmes ; et fit cesser un abus qui, à la différence des maux ordinaires, était d’autant plus facile à guérir, qu’il était extrême.


Chapitre X.

Richesses du clergé.


Le clergé recevait tant, qu’il faut que, dans les trois races, on lui ait donné plusieurs fois tous les biens du royaume. Mais si les rois, la noblesse et le peuple trou-