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nière dont il suppose que les seigneurs procédèrent pour former et usurper leurs diverses justices. Il faudrait qu’ils eussent été les gens du monde les plus raffinés, et qu’ils eussent volé, non pas comme les guerriers pillent, mais comme des juges de village et des procureurs se volent entre eux. Il faudrait dire que ces guerriers, dans toutes les provinces particulières du royaume et dans tant de royaumes, auraient fait un système général de politique. Loyseau les fait raisonner comme dans son cabinet il raisonnait lui-même.

Je le dirai encore : si la justice n’était point une dépendance du fief, pourquoi voit-on partout que le service du fief était de servir le roi ou le seigneur, et dans leurs cours et dans leurs guerres ?


Chapitre XXI.

De la justice territoriale des églises.


Les églises acquirent des biens très considérables. Nous voyons que les rois leur donnèrent de grands fiscs, c’est-à-dire de grands fiefs ; et nous trouvons d’abord les justices établies dans les domaines de ces églises. D’où aurait pris son origine un privilège si extraordinaire ? Il était dans la nature de la chose donnée ; le bien des ecclésiastiques avait ce privilège, parce qu’on ne le lui ôtait pas. On donnait un fisc à l’Église, et on lui laissait les prérogatives qu’il aurait eues, si on l’avait donné à un leude ; aussi fut-il soumis au service que l’État en aurait tiré, s’il avait été accordé au laïque, comme on l’a déjà vu.

Les églises eurent donc le droit de faire payer les compositions dans leur territoire, et d’en exiger le fredum ; et, comme ces droits emportaient nécessairement