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intérêts des particuliers qui furent réservés. Ainsi nos coutumes prirent trois caractères : elles furent écrites, elles furent plus générales, elles reçurent le sceau de l’autorité royale.

Plusieurs de ces coutumes ayant été de nouveau rédigées, on y fit plusieurs changements, soit en ôtant tout ce qui ne pouvoit compatir avec la jurisprudence actuelle, soit en ajoutant plusieurs choses tirées de cette jurisprudence.

Quoique le droit coutumier soit regardé parmi nous comme contenant une espèce d’opposition avec le droit romain, de sorte que ces deux droits divisent les territoires, il est pourtant vrai que plusieurs dispositions du droit romain sont entrées dans nos coutumes, surtout lorsqu’on en fit de nouvelles rédactions, dans des temps qui ne sont pas fort éloignés des nôtres, où ce droit étoit l’objet des connaissances de tous ceux qui se destinoient aux emplois civils ; dans des temps où l’on ne faisoit pas gloire d’ignorer ce que l’on doit savoir, et de savoir ce que l’on doit ignorer ; où la facilité de l’esprit servoit plus à apprendre sa profession qu’à la faire ; et où les amusements continuels n’étoient pas même l’attribut des femmes.

Il auroit fallu que je m’étendisse davantage à la fin de ce livre ; et qu’entrant dans de plus grands détails, j’eusse suivi tous les changements insensibles qui, depuis l’ouverture des appels, ont formé le grand corps de notre jurisprudence française. Mais j’aurais mis un grand ouvrage dans un grand ouvrage. Je suis comme cet antiquaire qui partit de son pays, arriva en Égypte, jeta un coup d’œil sur les Pyramides, et s’en retourna.