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cité par M. Ducange. On voit, dans les autres manuscrits, que ce code fut donné par saint Louis en l’année 1270, avant qu’il partît pour Tunis. Ce fait n’est pas plus vrai ; car saint Louis est parti en 1269, comme l’a remarqué M. Ducange ; d’où il conclut que ce code auroit été publié en son absence. Mais je dis que cela ne peut pas être. Comment saint Louis auroit-il pris le temps de son absence pour faire une chose qui auroit été une semence de troubles, et qui eût pu produire, non pas des changements, mais des révolutions ? Une pareille entreprise avoit besoin, plus qu’une autre, d’être suivie de près, et n’étoit point l’ouvrage d’une régence faible, et même composée de seigneurs qui avoient intérêt que la chose ne réussît pas. C’étoit Matthieu, abbé de Saint-Denis, Simon de Clermont, comte de Nesle ; et, en cas de mort, Philippe, évêque d’Évreux ; et Jean, comte de Ponthieu. On a vu ci-dessus, que le comte de Ponthieu s’opposa dans sa seigneurie à l’exécution d’un nouvel ordre judiciaire.

Je dis, en troisième lieu, qu’il y a grande apparence que le code que nous avons est une chose différente des établissements de saint Louis sur l’ordre judiciaire. Ce code cite les établissements : il est donc un ouvrage sur les établissements, et non pas les établissements. De plus, Beaumanoir, qui parle souvent des établissements de saint Louis, ne cite que des établissements particuliers de ce prince, et non pas cette compilation des établissements. Desfontaines, qui écrivoit sous ce prince, nous parle des deux premières fois que l’on exécuta ses établissements sur l’ordre judiciaire, comme d’une chose reculée. Les établissements de saint Louis étoient donc antérieurs à la compilation dont je parle, qui, à la rigueur, et en adoptant les prologues erronés mis par quelques ignorants à la tête de cet ouvrage, n’auroit paru que la dernière année de la vie de saint Louis, ou même après la mort de ce prince.