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culiers, les champions étoient armés de toutes pièces, et qu’avec des armes pesantes, offensives et défensives, celles d’une certaine trempe et d’une certaine force donnoient des avantages infinis, l’opinion des armes enchantées de quelques combattants dut tourner la tête à bien des gens.

De là naquit le système merveilleux de la chevalerie. Tous les esprits s’ouvrirent à ces idées. On vit, dans les romans, des paladins, des négromants, des fées, des chevaux ailés ou intelligents, des hommes invisibles ou invulnérables, des magiciens qui s’intéressoient à la naissance ou à l’éducation des grands personnages, des palais enchantés et désenchantés ; dans notre monde, un monde nouveau ; et le cours ordinaire de la nature laissé seulement pour les hommes vulgaires.

Des paladins, toujours armés dans une partie du monde pleine de châteaux, de forteresses et de brigands, trouvoient de l’honneur à punir l’injustice et à défendre la faiblesse. De là encore, dans nos romans, la galanterie fondée sur l’idée de l’amour, jointe à celle de force et de protection.

Ainsi naquit la galanterie, lorsqu’on imagina des hommes extraordinaires, qui, voyant la vertu jointe à la beauté et à la faiblesse, furent portés à s’exposer pour elle dans les dangers, et à lui plaire dans les actions ordinaires de la vie.

Nos romans de chevalerie flattèrent ce désir de plaire, et donnèrent à une partie de l’Europe cet esprit de galanterie que l’on peut dire avoir été peu connu par les anciens.

Le luxe prodigieux de cette immense ville de Rome flatta l’idée des plaisirs des sens. Une certaine idée de tranquillité dans les campagnes de la Grèce fit décrire les sentiments de l’amour.

L’idée des paladins, protecteurs de la vertu et de la beauté des femmes, conduisit à celle de la galanterie.