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cusation, pouvoit, dans la plupart des cas, se justifier, en jurant, avec certain nombre de témoins, qu’il n’avoit point fait ce qu’on lui imputoit. Le nombre des témoins qui devoient jurer augmentoit selon l’importance de la chose ; il alloit quelquefois à soixante-douze. Les lois des Allemands, des Bavarois, des Thuringiens, celles des Frisons, des Saxons, des Lombards et des Bourguignons, furent faites sur le même plan que celles des Ripuaires.


J’ai dit que la loi salique n’admettoit point les preuves négatives. Il y avoit pourtant un cas où elle les admettoit  ; mais, dans ce cas elle ne les admettoit point seules et sans le concours des preuves positives. Le demandeur faisoit ouïr ses témoins pour établir sa demande  ; le défendeur faisoit ouïr les siens pour se justifier ; et le juge cherchoit la vérité dans les uns et dans les autres témoignages. Cette pratique étoit bien différente de celle des lois ripuaires et des autres lois barbares, où un accusé se justifioit en jurant qu’il n’étoit point coupable, et en faisant jurer ses parents qu’il avoit dit la vérité. Ces lois ne pouvoient convenir qu’à un peuple qui avoit de la simplicité et une certaine candeur naturelle. Il fallut même que les législateurs en prévinssent l’abus, comme on le va voir tout à l’heure.