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Ceci ne regarda d’abord que les homicides involontaires : mais, lorsqu’on y comprit les grands criminels, on tomba dans une contradiction grossiere : s’ils avoient offensé les hommes, ils avoient, à plus forte raison, offensé les dieux.

Ces asyles se multiplièrent dans la Grèce : les temples, dit Tacite[1], étoient remplis de débiteurs insolvables & d’esclaves méchans ; les magistrats avoient de la peine à exercer la police ; le peuple protégeoit les crimes des hommes, comme les cérémonies des dieux ; le sénat fut obligé d’en retrancher un grand nombre. Les loix de Moïse furent très-sages. Les homicides involontaires étoient innocens, mais ils devoient être ôtés de devant les yeux des parens du mort : il établit donc un asyle pour eux[2]. Les grands criminels ne méritent point d’asyle, ils n’en eurent pas[3]. Les Juifs n’avoient qu’un tabernacle portatif, & qui changeoit continuellement de lieu ; cela excluoit l’idée d’asyle. Il est vrai qu’ils devoient avoir un temple : mais les criminels, qui y seroient venus de toutes parts, auroient pu troubler le service divin. Si les homicides avoient été chassés hors du pays, comme ils le furent chez les Grecs, il eût été à craindre qu’ils n’adorassent des dieux étrangers. Toutes ces considérations firent établir des villes d’asyle, où l’on devoit rester jusqu’à la mort du souverain pontife.


CHAPITRE IV.

Des ministres de la religion.


LES premiers hommes, dit Porphyre, ne sacrifioient que de l’herbe. Pour un culte si simple, chacun pouvoit être pontife dans sa famille.

  1. Annal, liv. II.
  2. Nomb. chap. XXXV.
  3. Ibid.