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cupés de la chasse ou de la guerre, ne se chargent gueres de pratiques religieuses[1].

Les hommes sont extrêmement portés à espérer & à craindre ; & une religion qui n’auroit ni enfer, ni paradis, ne sçauroit gueres leur plaire. Cela se prouve par la facilité qu’ont eu les religions étrangères à s’établir au Japon, & le zèle & l’amour avec lesquels on les y a reçues[2].

Pour qu’une religion attache, il faut qu’elle ait une morale pure. Les hommes, frippons en détail, sont en gros de très-honnêtes gens ; ils aiment la morale ; &, si je ne traitois pas un sujet si grave, je dirois que cela se voit admirablement bien sur les théâtres : on est sur de plaire au peuple par les sentimens que la morale avoue, & on est sur de le choquer par ceux qu’elle réprouve.

Lorsque le culte extérieur a une grande magnificence, cela nous flatte & nous donne beaucoup d’attachement pour la religion. Les richesses des temples & celles du clergé nous affectent beaucoup. Ainsi la misere même des peuples est un motif qui les attache à cette religion qui a servi de prétexte à ceux qui ont causé leur misere.


CHAPITRE III.

Des temples.


PRESQUE tous les peuples policés habitent dans des maisons. De-là est venue naturellement l’idée de bâtir

  1. Cela se remarque par toute la terre. Voyez, sur les Turcs, les missions du levant ; le recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tome III, part. I, pag. 201, sur les Maures de Batavia ; & le pere Labat, sur les negres mahométans, &c.
  2. La religion chrétienne, & les religions des Indes : celles-ci ont un enfer & un paradis ; au-lieu que la religion de Sintos n’en a point.