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Les loix de la religion éviteront d’inspirer d’autre mépris que celui du vice, & sur tout d’éloigner les hommes de l’amour & de la pitié pour les hommes.

La religion mahométane & la religion indienne ont, dans leur sein, un nombre infini de peuples : les Indiens haïssent les Mahométans, parce qu’ils mangent de la vache ; les Mahométans détestent les Indiens, parce qu’ils mangent du cochon.


CHAPITRE XXIII.

Des fêtes.


QUAND une religion ordonne la cessation du travail, elle doit avoir égard aux besoins des hommes, plus qu’à la grandeur de l’être qu’elle honore.

C’étoit, à Athènes[1], un grand inconvénient que le trop grand nombre de fêtes. Chez ce peuple dominateur, devant qui toutes les villes de la Grece venoient porter leurs différends, on ne pouvoit suffire aux affaires.

Lorsque Constantin établit que l’on chomeroit le dimanche, il fit cette ordonnance pour les villes[2], & non pour les peuples de la campagne : il sentoit que dans les villes étoient les travaux utiles, & dans les campagnes les travaux nécessaires.

Par la même raison, dans les pays qui se maintiennent par le commerce, le nombre des fêtes doit être relatif à ce commerce même. Les pays protestans & les pays catholiques sont situés de maniere que l’on a plus besoin de travail dans les premiers, que dans les seconds[3] : la suppression des fêtes convenoit donc plus aux pays protestans, qu’aux pays catholiques.


  1. Xénophon, de la république d’Athenes.
  2. Leg. 3 cod. de feriis. Cette loi n’étoit faite, sans doute, que pour les païens.
  3. Les catholiques sont plus vers le midi, & les protestans vers le nord.