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encore aujourd’hui au Japon[1], à Macassar[2], & dans plusieurs autres endroits de la terre.

Ces coutumes émanent moins directement du dogme de l’immortalité de l’ame, que de celui de la résurrection des corps ; d’où l’on a tiré cette conséquence, qu’après la mort, un même individu auroit les mêmes besoins, les mêmes sentimens, les mêmes passions. Dans ce point de vue, le dogme de l’immortalité de l’ame affecte prodigieusement les hommes, parce que l’idée d’un simple changement de demeure est plus à la portée de notre esprit, & flatte plus notre cœur que l’idée d’une modification nouvelle.

Ce n’est pas assez, pour une religion, d’établir un dogme ; il faut encore qu’elle le dirige. C’est ce qu’a fait admirablement bien la religion chrétienne à l’égard des dogmes dont nous parlons : elle nous fait espérer un état que nous croyions ; non pas un état que nous sentions, ou que nous connoissions : tout, jusqu’à la résurrection des corps, nous mene à des idées spirituelles.


CHAPITRE XX.

Continuation du même sujet.


LES livres sacrés des anciens Perses disoient : "Si vous voulez être saint, instruisez vos enfans, parce que toutes les bonnes actions qu’ils feront vous seront imputées[3]." Ils conseilloient de se marier de bonne heure ; parce que les enfans seroient comme un pont au jour du jugement, & que ceux qui n’auroient point d’enfans ne pourroient pas passer. Ces dogmes étoient faux, mais ils étoient très-utiles.


  1. Relation du Japon, dans le recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes.
  2. Mémoires de Forbin.
  3. M. Hyde.