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tant de crédit parmi eux, entroient dans ces réconciliations.

Chez les Malais, où la réconciliation n’est pas établie, celui qui a tué quelqu’un, sûr d’être assassiné par les parens ou les amis du mort, s’abandonne à sa fureur, blesse & tue tout ce qu’il rencontre[1].


CHAPITRE XVIII.

Comment les loix de la religion ont l’effet des loix civiles.


LES premiers Grecs étoient de petits peuples souvent dispersés, pirates sur la mer, injustes sur la terre, sans police & sans loix. Les belles actions d’Hercule & de Thésée font voir l’état où se trouvoit ce peuple naissant. Que pouvoit faire la religion, que ce qu’elle fit, pour donner de l’horreur du meurtre ? Elle établit qu’un homme tué par violence étoit d’abord en colere contre le meurtrier ; qu’il lui inspiroit du trouble & de la terreur, & vouloit qu’il lui cédât les lieux qu’il avoit fréquentés[2]; on ne pouvoit toucher le criminel, ni converser avec lui, sans être souillé ou intestable[3]; la présence du meurtrier devoit être épargnée à la ville, & il falloir l’expier[4].


  1. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie des Indes, tome VII, pag. 303. Voyez aussi les mémoires du comte de Forbin, & ce qu’il dit sur les Macassars.
  2. Platon, des loix, liv. IX.
  3. Voyez la tragédie d’Œdipe à Colonne.
  4. Platon, des loix, liv. IX.