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Vous ne vous ressemblez jamais dans les éloges que vous faites de ce chancelier, qui n’abusa ni de la confiance des rois, ni de l’obéissance des peuples, & qui, dans l’exercice de la magistrature, fut sans passion, comme les loix, qui absolvent & qui punissent sans aimer ni haïr.

Mais l’on aime sur-tout à vous voir travailler à l’envi au portrait de LOUIS LE GRAND, ce portrait toujours commencé, & jamais fini, tous les jours plus avancé, & tous les jours plus difficile.

Nous concevons à peine le regne merveilleux que vous chantez. Quand vous nous faites voir les sciences par-tout encouragées, les arts protégés, les belles-lettres cultivées, nous croyons vous entendre parler d’un regne paisible & tranquille. Quand vous chantez les guerres & les victoires, il semble que vous nous racontiez l’histoire de quelque peuple sorti du Nord, pour chanter la face de la terre. Ici, nous voyons le roi ; là, le héros. C’est ainsi qu’un fleuve majestueux va se changer en un torrent, qui renverse tout ce qui s’oppose à son passage : c’est ainsi que le ciel paroît au laboureur pur & serein, tandis que, dans la contrée voisine, il se couvre de feux, d’éclairs & de tonnerres.

Vous m’avez, messieurs, associé à vos travaux, vous m’avez élevé jusqu’à vous, & je vous rends graces de ce qu’il m’est permis de vous connoître mieux, & de vous admirer de plus près.

je vous rends graces de ce que vous m’avez donné un droit particulier d’écrire la vie & les actions de notre jeune monarque. Puisse-t-il aimer à entendre les éloges que l’on donne aux princes pacifiques ! Que le pouvoir immense, que dieu a mis entre ses mains, soit le gage du bonheur de tous ! Que toute la terre repose sous son trône ! Qu’il soit le roi d’une nation, & le protecteur de toutes les autres ! Que tous les peuples l’aiment ; que ses sujets l’adorent ; & qu’il n’y ait pas un seul homme dans l’univers qui s’afflige de son bonheur, &