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qu’un vaste désert ; ils furent forcés à dépeupler leur pays ; & s’affoiblirent pour toujours par leur propre victoire. On peut être obligé quelquefois de changer les loix du peuple vaincu ; rien ne peut jamais obliger de lui ôter ses mœurs, ou même ses coutumes, qui sont souvent toutes ses mœurs. Mais le moyen le plus sûr de conserver une conquête, c’est de mettre, s’il est possible, le peuple vaincu au niveau du peuple conquérant, de lui accorder les mêmes droits & les mêmes privileges : c’est ainsi qu’en ont souvent usé les Romains ; c’est ainsi sur-tout qu’en usa César a l’égard des Gaulois.

Jusqu’ici, en considérant chaque gouvernement, tant en lui-même, que dans son rapport aux autres, nous n’avons eu égard ni à ce qui doit leur être commun, ni aux circonstances particulieres tirées, ou de la nature du pays, ou du génie des peuples : c’est ce qu’il faut maintenant développer.

La loi commune de tous les gouvernemens, du moins des gouvernemens modérés, & par conséquent justes, est la liberté politique dont chaque citoyen doit jouir. Cette liberté n’est point la licence absurde de faire tout ce qu’on veut, mais le pouvoir de faire tout ce que les loix permettent. Elle peut être envisagée, ou dans son rapport à la constitution, ou dans son rapport au citoyen.

Il y a, dans la constitution de chaque état, deux sortes de pouvoirs, la puissance législative, & l’exécutrice ; & cette derniere a deux objets, l’intérieur de l’état, & le dehors. C’est de la distribution légitime & de la répartition convenable de ces différentes especes de pouvoirs, que dépend la plus grande perfection de la liberté politique, par rapport à la constitution. M. de Montesquieu en apporte pour preuve la constitution de la république Romaine, & celle de l’Angleterre. Il trouve le principe de celle-ci dans cette loi fonda-