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ANALYSE
DE
L’ESPRIT DES LOIX
par M. d’Alembert

Pour servir de suite à L’Éloge de M. de
Montesquieu

La plupart des gens de lettres qui ont parlé de l’Esprit des loix, s’étant plus attachés à le critiquer, qu’à en donner une juste idée ; nous allons tâcher de suppléer à ce qu’ils auroient dû faire, & d’en développer le plan, le caractere & l’objet. Ceux qui en trouveront l’analyse trop longue, jugeront peut-être, après l’avoir lue, qu’il n’y avoit que ce seul moyen de bien faire saisir la méthode de l’auteur. On doit se souvenir, d’ailleurs, que l’histoire des écrivains célebres n’est que celle de leurs pensées & de leurs travaux ; & que cette partie de leur éloge en est la plus essentielle & la plus utile.

Les hommes, dans l’état de nature, abstraction faite de toute religion, ne connoissant, dans les différends qu’ils peuvent avoir, d’autre loi que celle des animaux, le droit du plus fort, on doit regarder l’établissement des sociétés comme une espece de traité contre ce droit injuste ; traité destiné à établir entre les différentes parties du genre humain, une sorte de balance. Mais il en est de l’équilibre moral comme du physique ; il est rare qu’il soit parfait & durable ; les traités du genre