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public : que la possession ancienne étoit, en ce genre, le premier des titres, & le plus inviolable des droits, qu’il étoit toujours injuste, & quelquefois dangereux de vouloir ébranler :

Que les magistrats, dans quelque circonstance & pour quelque grand intérêt de corps que ce puisse être, ne doivent jamais être que magistrats, sans parti & sans passion, comme les loix, qui absolvent & punissent sans aimer ni haïr.

Il disoit, enfin, à l’occasion des disputes ecclésiastiques qui ont tant occupé les empereurs & les chrétiens Grecs, que les querelles théologiques, lorsqu’elles, cessent d’être renfermées dans les écoles, déshonorent infailliblement une nation aux yeux des autres : en effet, le mépris même des sages pour ces querelles ne la justifie pas ; parce que les sages faisant par-tout le moins de bruit & le plus petit nombre, ce n’est jamais sur eux qu’une nation est jugée[1].

L’importance des ouvrages dont nous avons eu à parler dans cet éloge, nous en a fait passer sous silence de moins considérables, qui servoient à l’auteur comme de délassement, & qui auroient suffi pour l’éloge d’un autre. Le plus remarquable est le Temple de Gnide, qui suivit d’assez près les Lettres Persanes. M. de Montesquieu, après avoir été, dans celles-ci, Horace, Théophraste & Lucien, fut Ovide & Anacréon dans ce nouvel essai. Ce n’est plus l’amour despotique de l’Orient qu’il se propose de peindre ; c’est la délicatesse & la naïveté de l’amour pastoral, tel qu’il est dans une ame neuve que le commerce des hommes n’a point encore corrompue. L’auteur, craignant peut-

  1. Il disoit qu’il y avoit très-peu de choses vraies dans le livre de l’abbé du Bos sur l’établissement de la monarchie Françoise dans les Gaules, & qu’il en auroit fait une réfutation suivie, s’il ne lui avoit fallu le relire une troisieme ou une quatrieme fois ; ce qu’il regardoit comme le plus grand des supplices.