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Mon raisonnement ne porte pas sur toutes les mines : celles d’Allemagne & de Hongrie, d’où l’on ne retire que peu de chose au-delà des fraix, sont très-utiles. Elles se trouvent dans l’état principal ; elles y occupent plusieurs milliers d’hommes, qui y consomment les denrées surabondantes ; elles sont proprement une manufacture du pays.

Les mines d’Allemagne & de Hongrie font valoir la culture des terres ; & le travail de celles du Mexique & du Pérou la détruit.

Les Indes & l’Espagne sont deux puissances sous un même maître : mais les Indes sont le principal, l’Espagne n’est que l’accessoire. C’est en vain que la politique veut ramener le principal à l’accessoire ; les Indes attirent toujours l’Espagne à elles.

D’environ cinquante millions de marchandise qui vont toutes les années aux Indes, l’Espagne ne fournit que deux millions & demi : les Indes font donc un commerce de cinquante millions, & l’Espagne de deux millions & demi.

C’est une mauvaise espece de richesses qu’un tribut d’accident & qui ne dépend pas de l’industrie de la nation, du nombre de ses habitans, ni de la culture de ses terres. Le roi d’Espagne, qui reçoit de grandes sommes de sa douane de Cadix, n’est, à cet égard, qu’un particulier très-riche dans un état très-pauvre. Tout se passe des étrangers à lui, sans que ses sujets y prennent presque de part : ce commerce est indépendant de la bonne & de la mauvaise fortune de son royaume.

Si quelques provinces dans la Castille lui donnoient une somme pareille à celle de la douane de Cadix, sa puissance seroit bien plus grande : ses richesses ne pourroient être que l’effet de celles du pays ; ces provinces animeroient toutes les autres ; & elles seroient toutes ensemble plus en état de soutenir les charges respectives ; au lieu d’un grand trésor, on auroit un grand peuple.