Page:Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 1.djvu/602

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Indes par les pays des Turcs, & l’avoient poursuivi au milieu des avanies & des outrages. Par la découverte du cap de Bonne-Espérance, & celles qu’on fit quelque temps après, l’Italie ne fut plus au centre du monde commerçant ; elle fut, pour ainsi dire, dans un coin de l’univers, & elle y est encore. Le commerce même du levant dépendant aujourd’hui de celui que les grandes nations font aux deux Indes, l’Italie ne le fait plus qu’accessoirement.

Les Portugais trafiquerent aux Indes en conquérans. Les loix gênantes[1] que les Hollandois imposent aujourd’hui aux petits princes Indiens sur le commerce, les Portugais les avoient établies avant eux.

La fortune de la maison d’Autriche fut prodigieuse. Charles-Quint recueillit la succession de Bourgogne, de Castille & d’Arragon ; il parvint à l’empire ; &, pour lui procurer un nouveau genre de grandeur, l’univers s’étendit, & l’on vit paroître un monde nouveau sous son obéissance.

Christophe Colomb découvrit l’Amérique ; &, quoi-que l’Espagne n’y envoyât point de forces qu’un petit prince de l’Europe n’eût pu y envoyer tout de même, elle fournit deux grands empires & d’autres grands états.

Pendant que les Espagnols découvroient & conquéroient du côté de l’occident, les Portugais poussoient leurs conquêtes & leurs découvertes du côté de l’orient : ces deux nations se rencontrerent ; elles eurent recours au pape Alexandre VI, qui fit la célebre ligne de démarquation, & jugea un grand procès.

Mais les autres nations de l’Europe ne les laisserent pas jouir tranquillement de leur partage : les Hollandois chasserent les Portugais de presque toutes les Indes orientales, & diverses nations firent en Amérique des établissemens.

Les Espagnols regarderent d’abord les terres découvertes comme des objets de conquête : des peuples plus


  1. Voyez la relation de François Pyrard, deuxieme partie, chap. XV.