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tion du commerce ; &, à l’avarice des princes, l’établissement d’une chose qui le met en quelque façon hors de leur pouvoir.

Il a fallu, depuis ce temps, que les princes se gouvernassent avec plus de sagesse qu’ils n’auroient eux-mêmes pensé : car, par l’événement, les grands coups d’autorité se sont trouvés si mal-adroits, que c’est une expérience reconnue, qu’il n’y a plus que la bonté du gouvernement qui donne de la prospérité.

On a commencé à se guérir du Machiavélisme, & on s’en guérira tous les jours. Il faut plus de modération dans les conseils : ce qu’on appelloit autrefois des coups d’état ne seroit aujourd’hui, indépendamment de l’horreur, que des imprudences.

Et il est heureux pour les hommes d’être dans une situation, où, pendant que leurs passions leur inspirent la pensée d’être méchans, ils ont pourtant intérêt de ne pas l’être.


CHAPITRE XXI.

Découverte de deux nouveaux mondes : état de l’Europe à cet égard.


LA boussole ouvrit, pour ainsi dire, l’univers. On trouva l’Asie & l’Afrique, dont on ne connoissoit que quelques bords ; & l’Amérique, dont on ne connoissoit rien du tout.

Les Portugais, navigeant sur l’Océan atlantique, découvrirent la pointe la plus méridionale de l’Afrique : ils virent une vaste mer ; elle les porta aux Indes orientales. Leurs périls sur cette mer, & la découverte de Mozambique, de Mélinde & de Calicut, ont été chantés par les Camoëns, dont le poëme fait sentir quelque chose des charmes de l’Odyssée & de la magnificence de l’Enéide.

Les Vénitiens avoient fait jusques-là le commerce des