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ples, dit le jurisconsulte Pomponius[1], avec lesquels nous n’avons ni amitié, ni hospitalité, ni alliance, ne sont point nos ennemis : cependant, si une chose qui nous appartient, tombe entre leurs mains, ils en sont propriétaires, les hommes libres deviennent leurs esclaves ; & ils sont dans les mêmes termes à notre égard."

Leur droit civil n’étoit pas moins accablant. La loi de Constantin, après avoir déclaré batards les enfans des personnes viles qui se sont mariées avec celles d’une condition relevée, confond les femmes qui ont une boutique[2] de marchandises avec les esclaves, les cabaretieres, les femmes de théâtre, les filles d’un homme qui tient un lieu de prostitution, ou qui a été condamné de combattre sur l’arêne : ceci descendoit des anciennes institutions des Romains.

Je sçais bien que des gens pleins de ces deux idées ; l’une, que le commerce est la chose du monde la plus utile à un état ; & l’autre, que les Romains avoient la meilleure police du monde, ont cru qu’ils avoient beaucoup encouragé & honoré le commerce : mais la vérité est qu’ils y ont rarement pensé.


CHAPITRE XV.

Commerce des Romains avec les barbares.


LES Romains avoient fait, de l’Europe, de l’Asie & de l’Afrique, un vaste empire : la foiblesse des peuples & la tyrannie du commandement unirent toutes les parties de ce corps immense. Pour lors, la politique Romaine fut de se séparer de toutes les nations qui n’avoient pas été assujetties : la crainte de leur porter l’art de vaincre, fit négliger l’art de s’enrichir. Ils firent

  1. Leg. 5, §. 2, ff. de captivis.
  2. Quæ mercimoniis publicè prœsuit. Leg. I. cod. de natural. liberis.