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toient pas des citoyens assez considérables[1] pour avoir place dans les légions : les gens de mer étoient ordinairement des affranchis.

Nous n’avons aujourd’hui ni la même estime pour les troupes de terre, ni le même mépris pour celles des mer. Chez les premieres[2], l’art est diminué ; chez les secondes[3], il est augmenté : or, on estime les choses à proportion du degré de suffisance qui est requis pour les bien faire.


CHAPITRE XIV.

Du génie des Romains pour le commerce.


ON n’a jamais remarqué aux Romains de jalousie sur le commerce. Ce fut comme nation rivale, & non comme nation commerçante, qu’ils attaquerent Carthage. Ils favoriserent les villes qui faisoient le commerce, quoiqu’elles ne fussent pas sujettes : ainsi ils augmenterent, par la cession de plusieurs pays, la puissance de Marseille. Ils craignoient tout des barbares, & rien d’un peuple négociant. D’ailleurs, leur génie, leur gloire, leur éducation militaire, la forme de leur gouvernement, les éloignoient du commerce.

Dans la ville, on n’étoit occupé que de guerres, d’élections, de brigues & de procès ; à la campagne, que d’agriculture ; &, dans les provinces, un gouvernement dur & tyrannique étoit incompatible avec le commerce.

Que si leur constitution politique y étoit opposée, leur droit des gens n’y répugnoit pas moins. "les peu-

ples
  1. Polybe, liv. V.
  2. Voyez les considérations sur les causes de la grandeur des Romains, &c.
  3. Ibid.