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toire ; il leur fut défendu[1] de trafiquer en Sicile[2], en Sardaigne, en Afrique, excepté à Carthage : exception qui fait voir qu’on ne leur y préparoit pas un commerce avantageux.

Il y eut, dans les premiers temps, de grandes guerres entre Carthage & Marseille[3] au sujet de la pêche.

Après la paix, ils firent concurremment le commerce d’économie. Marseille fut d’autant plus jalouse, qu’égalant sa rivale en industrie, elle lui étoit devenue inférieure en puissance : voilà la raison de cette grande fidélité pour les Romains. La guerre que ceux-ci firent contre les Carthaginois en Espagne, fut une source de richesse pour Marseille, qui servoit d’entrepôt. La ruine de Carthage & de Corinthe augmenta encore la gloire de Marseille : &, sans les guerres civiles, où il falloit fermer les yeux, & prendre un parti, elle auroit été heureuse sous la protection des Romains, qui n’avoient aucune jalousie de son commerce.


CHAPITRE XII.

Isle de Délos. Mithridate.


CORINTHE ayant été détruite par les Romains, les marchands se retirerent à Délos. La religion & la vénération des peuples faisoient regarder cette isle comme un lieu de sûreté[4] : de plus elle étoit très-bien située pour le commerce de l’Italie & de l’Asie, qui, depuis l’anéantissement de la Grece, étoit devenu plus important.


  1. Polybe, lib. III.
  2. Dans le partie sujette aux Carthaginois.
  3. Justin, liv. XLIII, chapitre V.
  4. Voyez Strabon, liv. X.