avoir avili les richesses de tous les autres pays : il y auroient trouvé des trésors qui ne pouvoient être enlevés par les Romains.
On a dit des choses bien surprenantes des richesses de l’Espagne. Si l’on en croit Aristote[1], les Phéniciens, qui aborderent à Tartese, y trouverent tant d’argent, que leur navires ne pouvoient le contenir ; & ils firent faire, de ce métal, leurs plus vils ustensiles. Les Carthaginois, au rapport de Diodore[2], trouverent tant d’or & d’argent dans les Pyrénées, qu’ils en mirent aux ancres de leurs navires. Il ne faut point faire de fond sur des récits populaires : voici des faits précis.
On voit, dans un fragment de Polype cité par Strabon[3], que les mines d’argent qui étoient à la source du Bétis, où quarante mille hommes étoient employés, donnoient au peuple Romain vingt-cinq mille dragmes par jour : cela peut faire environ cinq millions de livres par an, à cinquante francs le marc. On appelloit les montagnes où étoient ces mines, les montagnes d’argent[4] ; ce qui fait voir que c’étoit le Potosi de ces temps-là. Aujourd’hui les mines d’Hanover n’ont pas le quart des ouvriers qu’on employoit dans celles d’Espagne, & elles donnent plus : mais les Romains n’ayant gueres que des mines de cuivre, & peu de mines d’argent ; & les Grecs ne connoissant que les mines d’Attique très-peu riches, ils durent être étonnés de l’abondance de celles-là.
Dans la guerre pour la succession d’Espagne, un homme appellé le marquis de Rhodes, de qui on disoit qu’il s’étoit ruiné dans les mines d’or, & enrichi dans les hôpitaux[5], proposa à la cour de France d’ouvrir les mines des Pyrénées. Il cita les Tyriens, les Carthaginois & les Romains ; on lui permit de chercher : il chercha, il fouilla par-tout ; il citoit toujours, & ne trouvoit rien.