allés plus loin que Séleucus & Alexandre. Quand il seroit vrai qu’ils n’auroient pas été plus loin vers l’orient que Séleucus, ils allerent plus loin vers le midi : ils découvrirent[1] Siger & des ports dans le Malabar, qui donnerent lieu à la navigation dont je vais parler.
Pline[2] nous apprend qu’on prit successivement trois routes pour faire la navigation des Indes. D’abord, on alla, du promontoire de Siagre, à l’isle de Patalene, qui est à l’embouchure de l’Indus : on voit que c’étoit la route qu’avoit tenue la flotte d’Alexandre. On prit ensuite un chemin plus court[3] & plus sûr ; & on alla, du même promontoire, à Siger. Ce Siger ne peut être que le Royaume de Siger dont parle Strabon[4] que les rois Grecs de Bactriane découvrirent. Pline ne peut dire que ce chemin fût plus court, que parce qu’on le faisoit en moins de temps ; car Siger devoit être plus reculé que l’Indus, puisque les rois de Bactriane le découvrirent. Il falloit donc que l’on évitât par-là le détour de certaines côtes, & que l’on profitât de certains vents. Enfin, les marchands prirent une troisieme route : ils se rendoient a Canes ou a Océlis, ports situés à l’embouchure de la mer rouge, d’où, par un vent d’ouest, on arrivoit à Muziris, premiere étape des Indes, & de-là à d’autres ports. On voit qu’au lieu d’aller de l’embouchure de la mer Rouge jusqu’à Siagre en remontant la côte de l’Arabie-heureuse au nord-est, on alla directement de l’ouest à l’est, d’un côté à l’autre, par le moyen des mouçons, dont on decouvrit les changemens en navigeant dans ces parages. Les anciens ne quitterent les côtes, que quand ils se servirent des mouçons[5] & des vents alisés, qui étoient une espece de boussole pour eux.