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apprit, du temps de Pompée dans la guerre contre Mithridate, que l’on alloit en sept jours de l’Inde dans le pays des Bactriens, & au fleuve Icarus qui se jette dans l’Oxus ; que par-là les marchandises de l’Inde pouvoient traverser la mer Caspienne, entrer de-là dans l’embouchure du Cyrus ; que, de ce fleuve, il ne falloit qu’un trajet par terre de cinq jours pour aller au Phase qui conduisoit dans le Pont-Euxin. C’est sans doute par les nations qui peuploient ces divers pays, que les grands empires des Assyriens, des Medes & des Perses, avoient une communication avec les parties de l’orient & de l’occident les plus reculées.

Cette communication n’est plus. Tous ces pays ont été dévastés par les Tartares[1], & cette nation destructrice les habite encore pour les infester. L’Oxus ne va plus à la mer Caspienne ; les Tartares l’ont détourné pour des raisons particulieres[2] ; il se perd dans des sables arides.

Le Jaxarte, qui formoit autrefois une barriere entre les nations policées & les nations barbares, a été tout de même détournée[3] par les Tartares, & ne va plus jusqu’à la mer.

Séleucus Nicator forma le projet[4] de joindre le Pont-Euxin à la mer Caspienne. Ce dessein, qui eût donné bien des facilités au commerce qui se faisoit dans ce temps-là, s’évanouit à sa mort[5]. On ne sçait s’il auroit pu l’exécuter dans l’isthme qui sépare les deux mers. Ce pays est aujourd’hui très-peu connu ; il est dépeuplé & plein de forêts. Les eaux n’y manquent


  1. Il faut que, depuis le temps de Ptolomée, qui nous décrit tant de rivieres qui se jettent dans la partie orientale de la mer Caspienne, il y ait eu de grands changemens dans ce pays. La carte du czar ne met, de ce côté-là, que la riviere d’Astrabat ; & celle de M. Bathalsi, rien du tout.
  2. Voyez la relation de Genkinson, dans le recueil des voyages du nord, tome IV.
  3. Je crois que delà s’est formé le lac Aral.
  4. Claude César, dans Pline, liv. VI, chap. II.
  5. Il fut tué par Ptolomée Céranus.