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sans nombre ; & il n’est jamais moins croisé par les loix ; que dans les pays de la servitude.

L’Angleterre défend de faire sortir ses laines ; elle veut que le charbon soit transporté par mer dans la capitale ; elle ne permet point la sortie de ses chevaux, s’ils ne sont coupés ; les vaisseaux[1] de ses colonies qui commercent en Europe, doivent mouiller en Angleterre. Elle gêne le négociant ; mais c’est en faveur du commerce.


CHAPITRE XIII.

Ce qui détruit cette liberté.


LÀ où il y a du commerce, il y a des douanes. L’objet du commerce est l’exportation & l’importation des marchandises en faveur de l’état ; & l’objet des douanes est un certain droit sur cette même exportation, aussi en faveur de l’état. Il faut donc que l’état soit neutre entre sa douane & son commerce, & qu’il fasse ensorte que ces deux choses ne se croisent point ; & alors on y jouit de la liberté du commerce.

La finance détruit le commerce par ses injustices, par ses vexations, par l’excès de ce qu’elle impose : mais elle le détruit encore, indépendamment de cela, par les difficultés qu’elle fait naître, & les formalités qu’elle exige. En Angleterre, où les douanes sont en régie, il y a une facilité de négocier singuliere : un mot d’écriture fait les plus grandes affaires ; il ne faut point que le marchand perde un temps infini, & qu’il ait des commis exprès, pour faire cesser toutes les difficultés des fermiers, ou pour s’y soumettre.

  1. Acte de navigation de 1660. Ce n’a été qu’en temps de guerre, que ceux de Boston & de Philadelphie ont envoyé leurs vaisseaux en droiture, jusques dans la Méditerranée, porter leurs denrées.