LIVRE XX.
Des loix, dans le rapport qu’elles ont avec le commerce, considéré dans sa nature & ses distinctions.
CHAPITRE PREMIER.
Du commerce.
LES matieres qui suivent demanderoient d’être traitées avec plus d’étendue ; mais la nature de cet ouvrage ne le permet pas. Je voudrois couler sur une riviere tranquille ; je suis entraîné par un torrent.
Le commerce guérit des préjugés destructeurs : & c’est presque une regle générale que, par-tout où il y a des mœurs douces, il y a du commerce ; & que, par-tout où il y a du commerce, il y a des mœurs douces.
Qu’on ne s’étonne donc point si nos mœurs sont moins féroces qu’elles ne l’étoient autrefois. Le commerce a fait que la connoissance des mœurs de toutes les nations a pénétré par-tout : on les a comparées entre elles, & il en a résulté de grands biens.
On peut dire que les loix du commerce perfectionnent les mœurs ; par la même raison que ces mêmes loix perdent les mœurs. Le commerce corrompt les mœurs pures[1] ;
- ↑ César dit des Gaulois, que le voisinage & le commerce de Marseille les avoit gâtés de façon, qu’eux, qui autrefois avoient toujours vaincu les Germains, leur étoient devenus inférieurs. Guerre des Gaules, liv. VI.