choisissant les états qu’elle favoriseroit d’un commerce avantageux, elle seroit des traités réciproquement utiles avec la nation qu’elle auroit choisie.
Dans un état où d’un côté l’opulence seroit extrême ; & de l’autre les impôts excessifs, on ne pourroit gueres vivre sans industrie avec une fortune bornée. Bien des gens, sous prétexte de voyage ou de santé, s’exileroient de chez eux, & iroient chercher l’abondance dans les pays de la servitude même.
Une nation commerçante a un nombre prodigieux de petits intérêts particuliers ; elle peut donc choquer & être choquée d’une infinité de manieres. Celle-ci deviendroit souverainement jalouse ; & elle s’affligeroit plus de la prospérité des autres, qu’elle ne jouiroit de la sienne.
Et ses loix, d’ailleurs douces & faciles, pourroient être si rigides à l’égard du commerce & de la navigation qu’on seroit chez elle, qu’elle sembleroit ne négocier qu’avec des ennemis.
Si cette nation envoyoit au loin des colonies, elle le feroit plus pour étendre son commerce que sa domination.
Comme on aime à établir ailleurs ce qu’on trouve établi chez soi, elle donneroit aux peuples de ses colonies la forme de son gouvernement propre : & ce gouvernement portant avec lui la prospérité, on verroit se former de grands peuples dans les forêts même qu’elle enverroit habiter.
Il pourroit être qu’elle auroit autrefois subjugué une nation voisine, qui, par sa situation, la bonté de ses ports, la nature de ses richesses, lui donneroit de la jalousie : ainsi, quoiqu’elle lui eût donné les propres loix, elle la tiendroit dans une grande dépendance ; de façon que les citoyens y seroient libres, & que l’état lui-même seroit esclave.
L’état conquis auroit un très-bon gouvernement civil ; mais il seroit accablé par le droit des gens : & on lui imposeroit des loix de nation à nation, qui seroient telles, que sa prospérité ne seroit que précaire, & seulement en dépôt pour un maître.