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CHAPITRE XXVI.

Continuation du même sujet.


LA loi de Théodose & de Valentinien[1] tira les causes de répudiation des anciennes mœurs[2] & des manieres des Romains. Elle mit au nombre de ces causes, l’action d’un mari[3] qui châtieroit sa femme d’une maniere indigne d’une personne ingénue. Cette cause fut omise dans les loix suivantes[4] : c’est que les mœurs avoient changé à cet égard ; les usages d’orient avoient pris la place de ceux d’Europe. Le premier eunuque de l’impératrice, femme de Justinien II, la menaça, dit l’histoire, de ce châtiment dont on punit les enfans dans les écoles. Il n’y a que des mœurs établies, ou ces mœurs qui cherchent à s’établir qui puissent faire imaginer une pareille chose.

Nous avons vu comment les loix suivent les mœurs : voyons à présent comment les mœurs suivent les loix.


CHAPITRE XXVII.

Comment les loix peuvent contribuer à former les mœurs, les manieres & le caractere d’une nation.


Les coutumes d’un peuple esclave sont une partie de sa servitude : celles d’un peuple libre sont une partie de sa liberté.

  1. Leg. 8. cod. de repudiis.
  2. Et de la loi des douze-tables. Voyez Cicéron, seconde Philippique.
  3. Si verberibus, quæ ingenuis alienæ sunt, afficientem probaverit.
  4. Dans la nov. 117, ch. XIV.