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CHAPITRE XXIV.

Continuation du même sujet.


LES loix qui donnent la tutelle à la mere, ont plus d’attention à la conservation de la personne du pupille ; celles qui la donnent au plus proche héritier, ont plus d’attention à la conservation des biens. Chez les peuples dont les mœurs sont corrompues, il vaut mieux donner la tutelle à la mere. Chez ceux où les loix doivent avoir de la confiance dans les mœurs des citoyens, on donne la tutelle à l’héritier des biens, ou à la mere, quelquefois à tous les deux.

Si l’on réfléchit sur les loix Romaines, on trouvera que leur esprit est conforme à ce que je dis. Dans le temps où l’on fit la loi des douze-tables, les mœurs à Rome étoient admirables. On déféra la tutelle au plus proche parent du pupille, pensant que celui-là devoit avoir la charge de la tutelle, qui pouvoit avoir l’avantage de la succession. On ne crut point la vie du pupille en danger, quoiqu’elle fût mise entre les mains de celui à qui sa mort devoit être utile. Mais, lorsque les mœurs changerent à Rome, on vit les législateurs changer aussi de façon de penser. Si, dans la substitution pupillaire, disent Caïus[1] & Justinien[2], le testateur craint que le substitué ne dresse des embûches au pupille, il peut laisser à découvert la substitution vulgaire[3], & mettre la pupillaire dans une partie du


  1. Instit. liv. II, tit.6, §.2 ; la compilation d’Ozet, à Leyde, 1658.
  2. Instit. liv. II, de pupil. substit. §. 3.
  3. La substitution vulgaire est : Si un tel ne prend pas l’hérédité, je lui substitue, &c. La pupillaire est : Si un tel meurt, avant sa puberté, je lui substitue, &c.