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La bonne foi des Espagnols a été fameuse dans tous les temps. Justin[1] nous parle de leur fidélité à garder les dépôts ; ils ont souvent souffert la mort pour les tenir secrets. Cette fidélité qu’ils avoient autrefois, ils l’ont encore aujourd’hui. Toutes les nations qui commercent à Cadix confient leur fortune aux Espagnols ; elles ne s’en sont jamais repenties. Mais cette qualité admirable, jointe à leur paresse, forme un mélange dont il résulte des effets qui leur sont pernicieux : les peuples de l’Europe font, sous leurs yeux, tout le commerce de leur monarchie.

Le caractere des Chinois forme un autre mêlange, qui est en contraste avec le caractere des Espagnols ; Leur vie précaire[2] fait qu’ils ont une activité prodigieuse, & un desir si excessif du gain, qu’aucune nation commerçante ne peut se fier à eux[3]. Cette infidélité reconnue leur a conservé le commerce du Japon ; aucun négociant d’Europe n’a osé entreprendre de le faire sous leur nom, quelque facilité qu’il y eût eu à l’entreprendre par leurs provinces maritimes du nord.


CHAPITRE XI.

Réflexion.


JE n’ai point dit ceci pour diminuer rien de la distance infinie qu’il y a entre les vices & les vertus : à dieu ne plaise ! J’ai seulement voulu faire comprendre que tous les vices politiques ne sont pas des vices moraux, & que les vices moraux ne sont pas des vices politiques ; & c’est ce que ne doivent point ignorer ceux qui font des loix qui choquent l’esprit général.

  1. Liv. XLIII.
  2. Par la nature du climat & du terrein.
  3. Le pere du Halde ; tome II.