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disputes de religion, toujours violentes, & souvent funestes. S’il paroît toucher ailleurs à des questions plus délicates, & qui intéressent de plus près la religion chrétienne, ses réflexions, appréciées avec justice, sont en effet très-favorables à la révélation ; puisqu’il se borne à montrer combien la raison humaine, abandonnée à elle-même, est peu éclairée sur ces objets. Enfin, parmi les véritables lettres de monsieur de Montesquieu, l’imprimeur étranger en avoit inséré quelques-unes d’une autre main : & il eût fallu du moins, avant que de condamner l’auteur, démêler ce qui lui appartenoit en propre. Sans égard à ces considérations, d’un côté la haine sous le nom de zele, de l’autre le zele sans discernement ou sans lumieres, se souleverent & se réunirent contre les lettres Persanes. Des délateurs, espece d’hommes dangereuse & lâche, que même dans un gouvernement sage on a quelquefois le malheur d’écouter, alarmerent, par un extrait infidele, la piété du ministere. M. de Montesquieu, par le conseil de ses amis, soutenu de la voix publique, s’étant présenté pour la place de l’académie Françoise, vacante par la mort de monsieur de Sacy, le ministre[1] écrivit à cette compagnie que sa majesté ne donneroit jamais son agrément à l’auteur des lettres Persanes : qu’il n’avoit point lu ce livre ; mais que des personnes en qui il avoit confiance lui en avoient fait connoître le poison & le danger. M. de Montesquieu sentit le coup qu’une pareille accusation pouvoit porter à sa personne, à sa famille, à la tranquillité de sa vie. Il n’attachoit pas assez de prix aux honneurs littéraires, ni pour les rechercher avec avidité, ni pour affecter de les dédaigner quand ils se présentoient à lui, ni enfin pour en regarder la simple privation comme un malheur : mais l’exclusion perpétuelle, & sur-tout les motifs de l’exclusion, lui parois-

  1. M. le Cardinal De Fleury